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Les préjudices et les crimes environnementaux globaux, un échec international

Ces dernières décennies ont vu l’expansion de nombreuses activités dommageables pour l'environnement, des émissions de gaz à effet de serre (ci-après GES) au commerce de la flore et de la faune, en passant par le déversement de déchets toxiques. Basées sur une conception instrumentale de l'environnement, ces activités ont conduit à la disparition progressive des ressources naturelles et ont plongé le monde dans la plus profonde crise écologique jamais connue.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le régime climatique international accorde plus d'attention à la protection des entités non humaines. En effet, plusieurs instruments (1) criminalisent différents types de préjudices environnementaux liés au changement climatique (le défrichement illégal), à la biodiversité (le commerce illégal de la flore et de la faune, la pêche illégale et l’exploitation forestière) et aux déchets polluants (le transport, le commerce et le déversement illégal de déchets toxiques et dangereux tels que les substances appauvrissant la couche d'ozone ou des produits chimiques). Cependant, l'application de ces réglementations est restée globalement inefficace.

Ainsi d'une part, les différences de capacités des Etats-Nations (2) profitent aux auteurs de crimes environnementaux dans la mesure où ceux-ci traversent les frontières pour bénéficier ainsi du système étatique le plus favorable.

D'autre part, les tribunaux pénaux font face à des problèmes dans l’exécution des poursuites et le prononcé de condamnations des principaux responsables de la grande majorité des crimes contre l'environnement, les entreprises. En effet, la perpétration d'activités illégales par des entreprises n'aboutit pas souvent à des poursuites criminelles en raison de leur fiction juridique. Ainsi, l’existence d’une personne morale distincte complexifie considérablement l’imputation des actes des employés à ceux de l’entreprise elle-même.

 

En outre, il est très difficile de prouver l'intention fautive ou la négligence de l’entreprise (mens rea) et d'associer le crime environnemental commis par un employé à un dirigeant responsable. Par conséquent, les taux de poursuites et de condamnations ne sont pas très élevés. De plus, les sanctions sont peu sévères. En effet, en général, les juges condamnent les auteurs à des amendes plutôt qu’à l'emprisonnement et n’imposent pas la restauration des ressources naturelles touchées.

Par conséquent, en résistant au processus de criminalisation en général, les entreprises commettent beaucoup d'infractions et récidivent régulièrement dans un contexte d'impunité générale.

De plus, de nombreux préjudices environnementaux ne sont à ce jour pas criminalisés par les législations pénales. Ainsi, les entreprises émettent légalement un taux important d’émissions de GES, la principale cause du changement climatique.

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L'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon en avril 2010 dans le golfe du Mexique
Source : US Coast Guard / Handout / Reuters

Les premiers efforts concertés pour lutter contre les émissions de GES commencent à la fin des années 1960 (4). Cependant, depuis les années 70, le régime climatique international est sous-tendu par une conceptualisation anthropocentrique du nexus entre les entités humaines et non humaines.

Tout d’abord, il institutionnalise progressivement la compatibilité entre le développement économique et la protection environnementale, faisant de la croissance économique un outil régulateur de la crise écologique.

 

Ensuite, il consacre également des instruments volontaires ainsi que des principes transformant les entités non humaines en des entités marchandes et privées, tout en ne portant qu’une attention limitée au rôle du déboisement dans le changement climatique. De plus, les entités non humaines ont été construites comme des instruments au service des entités humaines et le régime se caractérise par une structure décisionnelle centralisée qui entraine l’exclusion des populations locales et des peuples autochtones. La consécration de ces différents principes doit être corrélée avec la domination du secteur privé dans les négociations à travers des activités de lobbying.

En outre, en faisant de la collaboration avec le secteur privé la pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique, ce régime fait confiance aux entreprises alors qu’elles sont les principaux responsables des dommages environnementaux. Cependant, Shell, Chevron, Texaco, Exxon Mobil, British Petroleum, les plus gros pollueurs dans les secteurs de l'énergie et du pétrole, refusent d'assumer la responsabilité de leurs préjudices environnementaux et mettent en place des stratégies pour masquer leurs activités.

Par conséquent, incapable d’inciter les entreprises à lutter contre le changement climatique, le régime climatique international ne parvient pas non plus à surveiller leur engagement dans leurs activités. Au contraire, la communauté internationale refuse d'adopter des mesures concrètes visant à empêcher la commission des activités les plus destructrices de l’environnement.

(1) Pour quelques exemples, voir la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres questions, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), la Convention internationale de Vienne sur les bois tropicaux, le Protocole relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination.

 

(2) Par exemple, le Brésil, le Mexique, l'Indonésie et les Philippines rencontrent des problèmes communs liés à la faible coopération entre les institutions, au manque de ressources budgétaires, de compétences techniques, d’expertise et de connaissances, ainsi qu’aux lacunes existant dans les lois, les politiques et les procédures des agences (White, 2011).

 

(3) Ainsi, elles entrainent le défrichement des forêts, ce qui perturbe le fonctionnement de celles-ci, provoque le brûlage de la biomasse et l'oxydation du carbone stocké dans le sol sous les arbres pendant la culture et dans les tourbières pendant le drainage, à concurrence de 4,4 Gt Co2 par an (J. Gupta et al., 2013, p. 8).

 

(4) Suspicieux de la croissance économique, ces efforts se concentrent sur les impacts environnementaux négatifs du développement industriel non réglementé (Bäckstrand et Lövbrand, 2007; Kopnina, 2012; Newell et Paterson, 2010).

Références citées

- Bäckstrand, K., & Lövbrand, E. (2007). Climate Governance Beyond 2012: Competing Discourses of Green Governmentality, Ecological Modernization and Civic Environmentalism. Dans M. E. Pettenger (Éd.), (p. 123‑149).

 

-Kopnina, H. (2012). The Lorax Complex: Deep Ecology, Ecocentrism and Exclusion. Journal of Integrative Environmental Sciences, 9(4), 235‑254. https://doi.org/10.1080/1943815X.2012.742914

 

- Newell, P., & Paterson, M. (2010). . Cambridge: Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511761850

- White, R. (2011). Transnational Environmental Crime. Toward an Eco-Global Criminology. Oxon: Routledge.

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